Et dire que je pensais que cette journée commençait bien, du moins elle avait l'air de s'annoncer comme toutes les autres, j'étais loin de me douter de ce qu'il allait se passer. Je prenais une longue douche tranquillement, m'apprêtant à passer une journée de détente. J'avais déposé Henry chez Granny plus tôt dans la matinée, j'ignorais pourquoi il avait tenu à déjeuner là-bas. Apparemment, il devait y rejoindre des petits camarades de classe. Bref, pour une fois, je préférais ne pas m'en mêler. Même si je le soupçonnais de rejoindre Emma Swan, comme d'habitude. Je me forçais à ne rien dire, puisque j'avais moi-même autorisé ces rencontres. À peine sortie de la douche, j'étais prise d'une soudaine impression étrange, comme si aujourd'hui tout allait basculer. Ce n'était pas bon signe pour moi. En réalité j'avais vu juste, car la sensation que j'avais ressentit n'était qu'un prémisse de la tempête qui s'annonçait.
Soudain, un bazar pas possible. Torrent de pluie, éclairs, tonnerre de Zeus, rafales de vent à en faire trembler les murs, et voix perçante de sirène à en crever les tympans. Emmitouflée dans mon peignoir de bain, je me laisse alors tomber à genoux sur le parquet, me bouchant les oreilles en criant. Ursula...elle devait être la seule responsable de ce barouf. Péniblement je me relève et m'habille en 4ème vitesse. Cette pieuvre ambulante va m'entendre. Elle était encore venue réclamer sa saloperie de fourchette. J'accoure vers la porte que j'ouvre en trombe, tandis que les torrents de pluie s'abattent sur moi, me trempant jusqu'aux os en deux secondes. Je me retrouve face à Ursula, qui a pris l'apparence d'une belle et aguicheuse jeune femme. Celle-ci arborait une prestance semblable à celle de l'ancienne Reine que je fus. Cette garce me défie.

Ursula : « Très chère, tu n’as pas tenue parole, tu m’obliges aux pires extrémités…Maintenant, dis-moi où se trouve le trident, MON trident. »

Je me mords la lèvre. Je l'avais un peu oubliée du coup. Je n'ai pas pris ses menaces au sérieux. Et maintenant...le passage qui relie nos mondes s'était ouvert. La pieuvre n'avait pas dû se priver pour vendre la mèche. Agacée, je m'approche près d'elle et commence à lui gueuler dessus, non très sûre de moi, tentant de me montrer menaçante.

« Tiens donc, la pieuvre des mers est de retour. J'avoue, j'ai complètement oublié ton trident. Tu peux te brosser je ne te dirais pas où il se trouve. Maintenant va au diable avec ta maudite fourchette et fais cesser tout ça ou je te transforme en sushi ! »

Naturellement, Ursula savait bien que c'était elle qui était en position de force en cet instant et que ce n'était certainement pas moi. Je l'attrape par la gorge, la menaçant de mon petit poing ténébreux. Si elle voulait se battre, et bien nous nous battrons ! Mais moi sans magie...je ne pouvais compter que sur la force de mes poings, qui n'était franchement pas mon meilleur atout. Et je me doutais bien que la pieuvre n'allait pas se laisser faire.

Maux de tête et nausée. J’avais l’impression d’être sur un bateau qui tangue et d’être sujette à un terrible mal de mer : ridicule. Je n’avais jamais fait de bateau, ni à Storybrooke ni ailleurs. Je n’avais certes pas recouvrée la mémoire en totalité (et c’était sans doute mieux ainsi), j’étais pour autant certaine qu’étant sirène je n’avais pas beaucoup eu l’occasion de voyager sur un vaisseau. Gueule de bois ? Je n’avais pourtant partagé qu’un petit verre de vin avec Eléazar la veille. Nous ne pouvions pas perdre le contrôle, ni lui ni moi. Cette sensation étrange était due à autre chose et j’étais désormais trop familière avec la « magie » pour ne pas suspecter un évènement de cet ordre. « Bleurp… » Me lamentai-je. Couchée sur mon lit j’avais la tête enfouis dans mon oreiller. Brusquement je me retournai sur le dos et posai un pied à terre. La tête me tournait et c’était le meilleur moyen pour moi de garder mes repères. Le mieux c’est de s’endormir, me dis-je. Je fermai yeux et priai pour trouver le sommeil. « […] ou je te transforme en sushi ! » Mes yeux s’ouvrirent en grand. Au dehors une tempête faisait rage et des cris – venant de chez Madame le maire – résonnaient de plus en plus fort.

Je me levai en titubant et m’approchai de la fenêtre. Madame Mills était à sa porte, habillée d’un simple peignoir et semblait se trouver en altercation avec une jeune femme brune. Je plissai les yeux et eu un haut-le-cœur lorsque je reconnu l’autre femme. Elle était là lorsque la tempête « magique » avait fait rage quelques mois plus tôt. Etrange. Voilà qu’il se remettait à pleuvoir avec force et que cette femme – habituellement jamais présente nulle part à Storybrooke – se trouvait là, chez le maire. Je fronçai les sourcils et mis ma main devant la bouche en réprimant un nouveau haut-le-cœur. Que m’arrivait-il ?

« Regina ! Regina, calmez-vous ! » Je reportai mon attention sur la scène qui se déroulait sous mes yeux. Le Shérif Swan venait d’arriver et tentait de calmer Régina qui semblait totalement démente. Bientôt se fut au tour de mary Margaret de faire son entrée et en sachant le peu d’estime qu’elle avait pour Régina, je savais que les choses allaient déraper. Ni une ni deux je sautai dans mes baskets et enfilait ma parka avant de dévaler les marches quatre à quatre.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire je me retrouvai devant chez Régina. « Mais qu’est-ce qui se passe ici ?! Mademoiselle Blanchard, qu’est-ce qui vous prend ? »

À fleur de peau, je n'osais à peine serrer mon étreinte autour de la gorge de cette pieuvre ambulante. Elle avait osé venir jusqu'ici pour me le faire payer, quelle garce tout de même. Mais l'intervention du Shérif Swan me fit reprendre contenance et je lui jetai un bref regard alors qu'elle me prenait la main. Elle avait raison pour une fois, je devais me calmer. Et puis zut qu'est-ce qu'elle était venue faire ici elle aussi c'était une histoire qui devait se régler entre Ursula et moi.

« Shérif Swan s'il vous plaît ne... »

Mais je ne pus finir ma phrase pour lui sommer d'arrêter d'essayer de m'arrêter ! Car une autre indésirable fit surface et surgit de nulle part. Mary Margaret, la dernière que j'aimerais voir ici. Cette furie me fit rapidement lâcher prise sur la gorge de la pieuvre pour m'envoyer valser violemment contre le mur de ma propre maison ! Retenez moi de lui envoyer mon poing dans la gueule à elle aussi. Choquée, je commençai à pester après cette garce qui m'accusait maintenant.

« Espèce de folle comment oses-tu ! Tu crois que... ? Non mais je rêve je ne suis pas responsable de la météo quand même ! »

Enfin, je savais très bien que cette pluie était tout sauf naturelle. L'oeuvre de cette idiote d'Ursula naturellement, suite à notre marché que je n'avais pas pu conclure. En plus je n'avais aucune magie présentement pour arrêter ma chère amie des océans. Tandis que j'envoyais promener Blanche Neige, une autre arrivante surgit de nulle part de nouveau. Arielle, bah tiens comme par hasard. Non mais pourquoi tout le monde débarquait chez moi comme ça ? C'est pourtant pas une villa de vacances ! Au moins j'espérais que l'attention de la pieuvre serait concentrée sur sa pire ennemie maintenant présente, plutôt que sur moi. Mais il n'en fut rien, au contraire, Ursula s'entêtait après moi. Furieuse, je fusillai la sorcière du regard, hésitant à la tuer maintenant ou à...fuir en fait, malheureusement je devais bien me rendre à l'évidence que Ursula était plus puissante que moi à cet instant. Elle n'apprécia visiblement pas mon regard et n'eut qu'à remuer les lèvres pour me repousser violemment, contre le mur, encore, laissant échapper chez moi un râle de douleur. Je tombe ensuite à genoux. Et puis naturellement la furie de Mary les marguerites ne se priva pas pour en rajouter une couche. Que vais-je faire ? Voilà encore un beau pétrin dans lequel je me suis mise. Cependant, ce n'était nullement l'affaire de Mary Margaret. Alors je l'envoyai promener, encore, en me relevant douloureusement.

« Oh toi mêle-toi de tes affaires ça te regarde pas ! Rentre chez toi ! »

Et puis, me résiliant finalement, n'ayant visiblement pas d'autre choix, je m'approche d'un pas décidé vers la pieuvre. Plongeant mon regard dans le sien, je lui souffle, sérieusement :

« Bon très bien, ma chère, j'avoue tout. Enfin...voilà, j'ai échoué ! Ça arrive qu'est-ce que tu veux. Si on en reparlait à toi aussi de tes nombreux échecs antérieurs ! Et pourtant, on t'a toujours donné ta chance. Alors s'il te plaît, donne-moi aussi une chance ! Fais cesser tout ça, et..et...passons un nouvel accord ? » fis-je, un peu haletante.

« Tout est de sa faute Mademoiselle Dylan. Notre chère Madame le Maire est à l'origine de tout cela, j'en suis certaine ! » Elle perdait la tête. Comment Régina pouvait-elle être responsable de la tempête ? Certes nous avions déjà connu des intempéries des plus étranges et irréelles – remède à nos tracas oublié merci bien – mais là c’était une excuse pour la rouler dans la boue.

« Oh toi mêle-toi de tes affaires ça te regarde pas ! Rentre chez toi ! » La Maire de la ville ne sembla pas être offusqué des accusions de Mlle Blanchard. Au contraire, une fois de plus elle prouvait à tout le monde à quel point elle pouvait être au-dessus de tout. Pourtant, la femme avec qui elle « échangeait » ne semblait pas la rassurer. Même en tentant de nous faire croire le contraire, Régina n’était pas totalement sereine.

« Tu ne devrais pas rester par ici. Va te mettre à l’abri. » M’intima Emma. Elle avait raison, la tempête grondait et le conflit était vraisemblablement impossible à démêler, du moins dans l’immédiat. Mary Margaret détestait Régina, Emma ne faisait que la tolérer. La Maire haïssait tout le monde et je ne connaissais pas l’inconnue : ma place était ailleurs.

Je me décidais à retourner chez moi quand, de dos, un frisson parcouru mon échine. « OH mais qui voilà ? La Petite Princesse à la voix d'ange...tu ne viens pas embrasser ta très chère et adorée Ursula ? Ah j'oubliais, tu as la mémoire qui flanche... » Je me retournai lentement et fis face à cette bonne femme, élancée, mince, blonde, au teint pâle et aux grands yeux bleus. Comment m’avait-elle appelé ? Comment se nommait-elle ? URSULAAAAAA ! Une voix roque et morne me vrilla l’esprit. L’océan, les vagues, les bulles, la douleur dans les jambes. Je vacillai. « Qu’est-c… Qu’est-… Vous me connaissez ? » Arrivai-je à articuler douloureusement tandis qu’à côté de nous, les trois autres semblaient parler d’un accord.

Pourquoi, pourquoi moi ? Pourquoi Mary Margaret, Emma et...la petite sirène, pourquoi fallait-il qu'elles se soient trouvées là elles aussi au lieu de me laisser régler mes comptes en privé avec cette affreuse pieuvre ? Voilà encore une belle galère dans laquelle je m'étais fourrée. Entre Ursula qui ne se prive pas pour parler de notre accord, Mary les marguerites qui m'enfonce et la sauveuse qui me demande des explications...que pouvais-je dire ? « Oui oui, Henry disait vrai je suis la méchante Reine je vous ai tous ensorcelés et Ursula est venue pour réclamer un trident pour régner sur le monde marin, ou... » non, bien sûr c'était ridicule. Furtivement, mon regard se plongea dans celui d'Emma tandis que j'essayais de ne pas paraître paniquée. Mais je ne lui répondis pas. Ni à Blanche Neige d'ailleurs. Je tentai de faire profil bas, jusqu'à ce qu'Ursula continue son petit manège et veuille mêler Henry à ça, j'eus alors le même réflexe qu'Emma.

« Tu auras ta réparation, mais je t'interdis de toucher à Henry, c'est une affaire entre toi et moi. »

Je baisse la tête à la réflexion de la pieuvre, serrant un peu les poings, me sentant considérablement impuissante. Car elle avait raison, je n'avais plus rien et j'avais perdu ma magie...je ne pouvais plus rien faire. J'étais forcée de passer à la vitesse supérieure et je n'avais plus aucune autre option mis à part celle d'aller réclamer directement à Rumplestilskin. Quelle déchéance d'être tombée si bas...mais je n'avais plus le choix.  Quitte à perdre la face, mais au moins je ne perdrais pas ma malédiction.

« Et je n'ai aucune explication à vous donner, ça ne vous regarde en aucun cas... » fis-je, les dents serrées, à l'adresse de Mary Margaret et d'Emma par la même occasion. Je sentais bien que l'une comme l'autre était bien paumée, et qu'elles viendraient sûrement me voir pour des explications plus poussées et privées. Mais je ne leur dirais rien. Jamais. Ursula me demande de rendre la mémoire d'Arielle, mais je n'en étais pas capable. Sans magie, du moins.

« Ursula...je ne peux pas. Tu auras ton trident, j'aurais rempli ma part du marché. Je ne peux rien pour Ar...Aigean. Le trident et c'est tout. Et...non rien. »

Je brûlais d'envie de lui demander si elle aussi avait rempli sa part du contrat, si elle n'avait pas révélé le secret du passage entre les deux mondes. J'avais la désagréable impression qu'Ursula n'était pas venue seule. Seulement, je ne pouvais pas en parler devant Emma, Mary Margaret et la rousse.

Le cœur battant, je  ne me sentais vraiment pas bien. Tout ici me poussait à partir, à fuir, à renoncer à ce spectacle que je ne comprenais pas. Ça hurlait de partout, personne ne semblait s’accorder avec les autres. Seule Emma tentait tant bien que mal de calmer le jeu. Mais mes jambes refusaient catégoriquement de bouger. Elle était là. Qui ? Je ne savais le dire, mais la grande blonde devant nous, qui semblait avoir causé tout ce bazar me faisait froid dans le dos. Pire. Elle venait de me donner un petit sobriquet qui, alors qu’il aurait dû me laisser de glace, fit remonter des souvenirs en moi. Princesse ? Si j’étais désormais persuadée qu’autrefois je fus bel et bien une sirène, je n’en avais pas su davantage. Ainsi dont cette femme qui me faisait frissonner me connaissait d’avant.

« Oh oui ma petite, on se connaît même intimement. » Ses grands yeux bleus me fixèrent, me rendant mal à l’aise. Son regard était froid et mauvais. Elle se tourna vers Régina avant d’ajouter. «Regina, nous n’en avons pas encore fini. Rends ce que tu as pris à la gosse, à savoir sa mémoire, et je te laisse ainsi un délai supplémentaire, ne me déçois pas cette fois. » Comment ? De quoi parlait-elle ? Régina était donc la cause de la perte de nos souvenirs à tous ? Je fronçais les sourcils. Henry avait raison, depuis le début. Il avait été le premier à me raconter ces histoires farfelues de sirènes et d’Atlantica. Il avait été le premier à me dire que j’étais en réalité une sirène.  « Lui rendre sa mémoire ? » Emma souriait à la remarque, mais moi je n’en avais plus la moindre envie. « Alors c’était vous ! Depuis le début ! »

Les yeux de Régina évitaient tout contact avec les autres. Elle ne regardait qu’elle. « Ursula...je ne peux pas. Tu auras ton trident, j'aurais rempli ma part du marché. Je ne peux rien pour Ar...Aigean. Le trident et c'est tout. Et...non rien. » « Régina, qu’est-ce que vous nous cachez à tous ? Qui est cette femme réelleme… » Ursula. Tout me revenait. La sorcière des mères, le sortilège d’humanité. La peur me saisit et je vacillai. « Laissez-moi ! »