La nuit était brûlante. Toutes les nuits l'étaient pour Sophie, sans exception. Pas une brise, pas un vent, pas une pluie glaciale ne la refroidissait. La magie, la Malédiction, toujours ambiante, faisait bouillir son âme et son corps comme dans les tréfonds de l'Enfer. Des limbes où elle demeurait depuis des années, des décennies, des siècles maintenant. Elle ne luttait plus contre eux. Elle ne le pouvait pas. Elle ne le devait pas, au risque de devenir folle.

Une fois de plus, elle regarda à l'extérieur. Les environs étaient calmes, comme toujours. La forêt était toujours aussi monotone. Quiconque aurait vécu en ces lieux aurait vite fait de s'ennuyer. Et pour cause : il n'y avait rien à faire si on ne se dirigeait pas vers le centre de Storybrooke, centre que Sophie évitait soigneusement. Non, la Sorcière avait bien plus d'attachement à sa solitude depuis que ses souvenirs étaient revenus à elle. Et de toute évidence, la solitude était bien plus agréable que n'importe quel habitant de ces contrées étranges.

Depuis que ses souvenirs étaient revenus... Elle avait une toute nouvelle vision des choses. Elle s'était rappelé de tout : de son abandon, de son enfance, de son adolescence, de la prise du Palais, d'Evanora, du Monde d'Oz, de sa Malédiction, de son coeur brisé, de sa haine, de sa solitude, de toutes ces décennies, de Regina. Regina, Regina, Regina... Cette soeur meilleure qu'elle ou Evanora. Cette soeur à qui on avait tout offert. Cette soeur qui ignorait jusqu'à leur existence et qui pourtant lui infligeait tant de colère.

28 ans. C'était le temps qu'elle avait passé sous les ordres de sa propre soeur, tyrannisée par une Reine qui aimait trop le pouvoir. 28 longues années humiliées par cette femme qui lui avait même pris sa mère. 28 années à faire le larbin, à faire tout ce que Madame le Maire désirait. 28 années à ne même pas se rebeller, pas une fois. La colère monta en elle à ces souvenirs. Elle avait été faible. Et elle l'était toujours, sans ses pouvoirs. L'inutilité dont elle faisait preuve lui mit les nerfs à vif. Elle du serrer les points pour se calmer.

La colère venait si vite lorsqu'elle se remémorait tout ce qu'il s'était passé. Chaque instant passer à être humiliée par la Reine lui donnait la nausée. Comment avait-elle pu se laisser faire ?

« Sombre idiote. » elle s'insulta elle-même, serrant les mâchoires pour ne pas laisser sa température corporelle augmenter encore.

L'image de Regina apparut dans sa tête. Elle s'en souvenait avec facilité. Après tout elle était l'une des seules que Sophie avait souvent côtoyé à Storybrooke. Elle et ses pions tous aussi naïfs les uns que les autres. Et cela ne s'était que plus confirmé une fois que les souvenirs étaient revenus dans la tête de chacun. On évitait les méchants, même si ceux-ci ne possédaient plus leurs pouvoirs. L'avantage, cependant, était que tous ignoraient encore sa réelle identité. Personne ne la connaissait. Personne ne savait ce qu'elle faisait. Personne ne savait d'où elle venait. Elle était un sombre mystère.

Sophie se retourna et grogna. Elle se vengerait. Elle se vengerait. Elle allait se venger. Mais pour cela, il lui fallait ses pouvoirs.

« Mes... pouvoirs... » l'idée vint chatoyer ses paroles.

Son regard divagua dans la pièce. La colère s'évapora presque. Elle sentit presque la joie s'emparer d'elle ou plutôt une courte satisfaction. Comme le corps que l'on nourrit lorsque la faim nous tenaille. Une douce mélodie résonnait en elle, tout à coup. Le son de la vengeance. Elle traversa un long couloir, arpenta plusieurs pièces, ruminant à chaque minute perdue.

La nuit était avancée lorsqu'elle atteignit le grenier, tout en haut d'une échelle de bois. Quelque chose l'attirait là. Et quand elle arpenta la pièce ténébreuse, elle comprit que depuis trop longtemps elle n'était pas venue. Cela remontait à 28 ans. Jour pour jour, peut-être. Elle y avait rangé toutes choses inutiles dans la maison. Choses inutiles qui s'avéraient pourtant précieuses, ses souvenirs revenus : livres en tout genre, objets magiques, souvenirs d'une vie passée au Monde d'Oz.

Elle farfouilla, déplaça des meubles, ouvrit des cartons, déchiqueta des paquets, jusqu'à enfin trouver ce qu'elle cherchait... Quelque chose qu'elle n'avait pas ouvert depuis des lustres. Quelque chose qui la guiderait dans sa reconquête de ses pouvoirs. Quelque chose qui changerait sa vie et celle de tous ceux qui habitaient Storybrooke. Quelque chose... qui allait réécrire l'histoire.

Elle souffla sur la couverture et apparut le titre du livre :

« Les Sept Merveilles »