Close shave and rock'n'roll
  Lez & Bram

Le salon de barbier « chez Barbe-Bleue » est ouvert, mais calme. Les lumières de l'automne jettent une lueur orangée, sanguinolente à l'intérieur de la boutique. C'est fou comme un rayon de soleil rougeoyant peut transfigurer une atmosphère, surtout lorsqu'il effleure des lames aiguisées, des fioles d'après-rasage et des mains d'assassin.

Seul dans l'échoppe, le maître des lieux tourne le dos à l'entrée et semble plus préoccupé par ce qu'il y a devant lui, sur une table, que par l'absence totale de client. A dire vrai, on le prendrait plus pour un client lui-même que pour le barbier adroit et professionnel qu'il se doit d'être; le dos droit, il porte une chemise noire qui dessine des épaules et bras trop musclés pour sa profession, les manches retroussées jusqu'aux coudes et une montre de prix au poignet.  La veste de costume noire passée le matin repose sur le dossier d'un siège de cuir, un peu plus loin.

Son chiffon passe et repasse sur le rasoir pliable qu'il tient entre les mains, avec une sorte d'ennui cynique et blasé. Quel usage y a-t-il d'un barbier traditionnel depuis que les rasoirs électriques existent ? On pourrait vous sortir une brochure publicitaire citant les nombres avantages d'un barbier – service personnalisé, prendre soin de soi, résultat bien meilleur, joie d'être un dandy et les jolis yeux du barbier – mais ce souci passe au-dessus de la tête de Bram Bluebeard. Le salon est vide, mais cela ne dérange pas son caractère d'ours associable.

Il n'a après tout, pas besoin de ce métier pour vivre : le manoir qu'il occupe avec son épouse est à lui et il possède assez de richesses pour vivre confortablement sans se lever chaque matin. Ses ancêtres ont assez travaillé pour lui et ses précédents mariages lui ont fournis des moyens supplémentaires sans qu'il ait de pension alimentaire à payer. Il a choisi ce métier par goût, parce qu'il éprouve une fascination étrange et irrésistible qu'il exauce dans ce métier. Fascination pour les lames et leur jeu dangereux, ainsi que pour les gorges et mâchoires des hommes.

Bram envisage de sortir la bouteille de whisky dissimulée derrière le comptoir lorsque le carillon de la boutique sonne. Il se retourne à demi pour voir Eléazar Mordred passer la porte de « Chez Barbe-Bleue. ». Apothicaire de Storybrooke, dandy élégant au charisme dangereux et l'un de ses plus fidèles clients.
L'homme le trouble.
Pas un trouble qui met le feu à votre ventre et vous donne envie de plaquer votre vis à vis contre le mur le plus proche. Non, un trouble dont Bram est moins familier et sur lequel il a du mal à mettre un nom. C'est un habitué des lieux, et Bram, pour ainsi dire, s'entend bien avec lui, mais il y a plus que ça. L'aura qu'Eléazar emporte avec lui éveille des souvenirs, une impression de déjà vu en Bram sans qu'il comprenne pour quoi.
Pour autant lorsque Bram se retourne à demi vers son client et pose ses yeux clairs sur lui, un sourire ourle tranquillement ses lèvres. Il repose le chiffon et le lame sur sa table et appuie son postérieur sur le bord de la table, avant de poser la question rituelle pour accueillir Eléazar :

« -Je peux vous être utile ? »

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart